Un pas de coté...

Le ton monte, et c'est pas pour rire. Ce coup ci ce n'est pas Auguste qui s'en prend au clown blanc, mais je m'écarte quand même, par réflexe, pour éviter la tarte à la crème. Un pas de coté.

Ils ne sont pas d'accord. Le placier, une fois encore nous désigne un emplacement pourri, où on ne vendra rien. Il a, tel un dieu, un pouvoir exorbitant sur notre destin, ou plus modestement, sur nos gains de la matinée. De la place qu'il nous attribuera, dépendra l'intérêt de s'être levé à 5h ce matin...

Je n'y suis pour rien dans le conflit, moi j'aurais pris la place proposée sans broncher, c'est pour ça d'ailleurs que je ne vais pas bien loin dans la vie !

C'est qu'à force d'en faire des pas de coté... j'avance en pas chassés !

Je me croyais enfant de la balle, sous un grand chapiteau, je marchais fière et droite, sur un fil, au dessus de la piste. Mais un jour, Madame Loyal, me fit comprendre que ce n'était pas ma place d'être ainsi perchée en équilibre précaire. Même si mon habilité était incontestable, je n'étais pas née sous les bonnes étoiles : j'aurais pu tomber, me blesser.

Alors j'ai juste fait un pas de coté, et de nouveau je me trimballe, de village en village, sous un parapluie forain rouge et jaune, à l'aube je déballe, à midi je remballe, le numéro fini. Mon fil de funambule, précieusement à l'abri dans la poche gauche de ma chemise, j'ai gardé cette habitude de ne pas m'approcher de qui crie et s'agite pour contester.

Mais peut-être devrais-je prendre parti, venir au secours de mon collègue, l'aider d'un argument, défendre nos intérêts communs ? Je ne dis rien. Pire, je fais un pas de coté, et deux en arrière même, pour me mettre hors de portée de coups éventuels. Mais non, ils sont civilisés, ils n'en viendront pas aux mains, pas pour si peu ! Un placier qui se bat avec les volants, ça s'est jamais vu, en tout cas pas ici. Une placière, à la limite, au marché de Brive la Gaillarde, ou à Toulouse où même les mémés aiment la castagne, mais ici, pas de risque. Personne ne se battra. Je fais un pas de coté quand même, par précaution.

Tout le monde veut une place au soleil ! Tout le monde veut travailler. Au pire, le placier s'en remet au hasard : tirage au sort. La loterie, comme dans la vie...

à suivre...

musique :

sur la fosse au boulot tri yann

On débarque en vrac des bateaux la réglisse et le coco, le girofle de Davao, les bananes de San Pedro. On décharge en chariots, en billes, en planches, en plaques, en panneaux, l'okoumé de Bornéo, l'acajou du Congo. [Refrain] On débarque en sacs sur le dos le café, le cacao, riz le thé de Macao, le souffre de Bilbao. Tout le jour on se crève la peau, et quand vient le soir on se brûle les boyaux : le vin, le rhum coulent à flots dans tous les caboulots. [Refrain] On gueule, on fume dans les bistrots, on traîne avec les filles à matelots. Quand vient le matin, sans repos, on reprend les vélos. On repart sur la Fosse au boulot. On dessoûle dans les entrepôts On embarque en canot, au fond des cales, à bord des paquebots, du vin, du sucre en tonneaux, des gigots, des fayots. On débarque sur le quai Renaud les veaux, les peaux, les chevaux, la canne et les noix de coco, les piments de Marajo, le blé, la laine, l a chaux, l'étain, le cuivre de Callao, le fer de Valparaiso, le plomb de Coquimbo. On décharge en caisses, en cageots, les oranges de Curaçao, la cannelle de Porto Rico, la vanille et l'indigo. On débarque des cargos, le vin de Porto, le zinc de Vigo, le tabac de Santiago, le charbon de Glasgow. On débarque en vrac des bateaux la réglisse et le coco, le girofle de Davao, les bananes de San Pedro. On décharge en chariots, en billes, en planches, en plaques, en panneaux, l'okoumé de Bornéo, l'acajou du Congo.

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