Thème: en chemin

Et si nous allions plus loin?

 

Nous étions partis tard. Deux duos qui fuyaient leurs solitudes sur les chemins, chacun à sa façon, chacun a ses raisons. Deux hommes, deux femmes.

 

Leur seul passé commun: la montée des lacs. Un passé d'à peine deux heures, mais deux heures de caillasses et de sueur.

 

À partir de ce pas, permettez que nous allions plus loin, sur des sentiers imaginaires, en sont-ils pour autant moins vrais?

 

Ils partagent un apéro de noisettes et quelques mots au sommet, se penchent sur la carte et sur leurs rêves d'évasions, de défis à leur corps, à la nature et au destin. « Ce serait dommage que vous redescendiez, vous deux femmes, nous deux hommes, on pourrait faire un bout de chemin ensemble. » Il présente son copain, qui rêve de faire des sommets à 3000 mètres, il l'accompagne, pour qu'il ne le fasse pas seul. Au repas s'échangent les vies, mais aussi les rêves et les aspirations. Au dessert, tentative de répartition.

 

Elles descendent alors jusqu'au Saussat, demi heure sous la lune, le sentier dallé brille et les guide où leurs pensées et leurs goûts se rejoignent. « Et si on tirait au sort? » « Non, répond l'autre, moins sûre d'elle: je garde le bavard, puisqu'il te plait moins, car moi je n'ai que l'intention de bavarder. »

 

Deux fois deux solitaires deviennent deux couples. Quelles sont leurs libertés? Qu'est ce qui les retient?

 

Un amour dans la vallée, à qui pourtant on n'a rien voulu promettre, mais la sincérité, la peur de faire souffrir, et le besoin d'être honnête. L'incertitude aussi, de l'issue de ce genre d'aventure. Chacun se dit libre, oui, mais libre de quoi? De changer, d'abandonner? Si l'on ne veut pas courir le risque d'une liberté qui rimerait avec rupture, si la sincérité est une valeur de l'amour, et qu'un secret ferait douleur, comment oser ce pas de coté, cette digression pourtant sans conséquence?

 

Qu'est ce qui fait qu'on se donne?

La solitude au long cours et la morsure du manque. L'espoir d'un nouveau départ. L'inconscience des risques physiques. Un besoin vital de tendresse, et se rassurer qu'on plait encore. Une plus grande liberté d'esprit, l'acceptation du nécessaire secret. Un pas de danse, sans lendemain, des corps qui s'enlacent et ne parlent qu'à l'instant.

 

Au matin le soleil illumine les lacs. Quatre voix s'élèvent: « et si nous allions plus loin. »

 

Plus loin... un homme, une femme, main dans la main, yeux dans les yeux, se dirigent à pas lent vers le lac qui reflète leurs rêves de tendresse et de vie.

 

Plus loin... le regard de l'amoureux des sommets se rapproche des nuages. Non, il n'ira pas sans comparse, une femme veillera sur ses pas, et uniquement sur eux, puis chacun rejoindra dans sa vallée, sans regret, un amour à respecter.

 

 1er septembre 2007

lacs d'Ôo, Espingo, Saussat

à Cathy et H. 

 

 

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